le temps est terne
et je suis comme le temps
en continuum avec l’espace et je me fais
tatouer une hirondelle dans le front
pour chaque tour du monde que je fais
sur notre beau vieux divan brun
ma face est une volière et le vraimonde
est une cage et le tapis de journal
n’a pas été changé depuis l’homme
sur la lune mais je n’arrêterai pas
de nous inventer des éclipses comme des asiles
des oasis en cabanes de coussins où
écouter tranquille le chant des cygnes
sur les vieux vinyles où on a creusé
nous autres mêmes des nouvelles pistes
des sillons de travers
pour nous réfugier dans le popcorn
quand nous nous perdrons encore à imaginer
des destins de grippes aviaires
et de poulet frit
et nous nous ferons de nouveaux tatouages
une ancre sur la joue comme une larme
de joie de jour de neige arrachée à la tempête
une nouvelle pour chaque minute
où nous nous serons sentis quand même
chenous
Jonathan Roy, « volière », Savèches à fragmentation, Éditions Perce-Neige, coll. « Poésie », 2019, p. 112-113.